Au terme de l’année 2016, un constat s’est imposé à moi : une part grandissante des disques de musique à guitares que j’estime excitants tombent dans la catégorie plus ou moins vaste du noise-rock. Une catégorie délimitée, à mes yeux et pour faire simple, par les figures tutélaires historiques que sont Fugazi, The Jesus Lizard, Unsane, Helmet ou Shellac ; un genre pratiqué aujourd’hui par des références telles que les Hawks, Future of the Left, Young Widows ou chez nous Papier Tigre ou Sofy Major. Tu vois, c’est large. Des disques qui, en 2016, se ressemblent parfois quand même, mais font tous preuve d’une vraie énergie, d’une absence de calcul rassurante, assez souvent d’un humour et/ou d’une crudité ravageurs et rafraîchissants, et toujours d’une foi inébranlable dans la puissance du groove basse/batterie et le pouvoir de nuisance des guitares hurlantes, dissonantes, voire contondantes.
Le périmètre couvert est donc flou, et l’idée n’est ici absolument pas de chipoter sur des critères de catégorisation. J’ai d’ailleurs naturellement tendance à exclure les trucs vraiment trop pétés du casque, les machins totalement déstructurés et psychopathes qui ne respectent pas un minimum l’architecture lignes de basse plombées + frappe de bûcheron hyper précise + riffs tronçonneuses. J’ai aussi tendance à exclure les trucs trop punk, trop simplistes. Et puis les pénibles qui tirent vers le garage / psyché, putain, tout ça j’en peux vraiment plus. J’aime le groove, les compos qui tapent fort, à contre-temps, et qui foncent à rebours du sens du courant. Against the grain, comme disait tonton Spencer
Je ne rechigne cependant pas à inclure de généreuses pincées de math-rock, ou de hardcore. En fait, j’inclus un peu n’importe quoi tant que c’est excitant et non filtré ; alors tu pourras toujours pinailler, ici c’est moi qui cause.
Cet article se donne alors juste pour objectif de récapituler les sorties 2016 de rock bruyant, sale, taquin voire irrévérencieux qui ont marqué mon esprit durant les derniers mois, et que je n’ai pourtant pas eu l’occasion de chroniquer. Un petit mot pour chacun, un lien d’écoute, pour les chanceux une chronique déjà publiée et, ma foi, tu te feras ton avis.
C’est peut-être un signe des temps ou une réaction à l’aseptisation massive du rock qui parvient jusqu’au grand public, mais je trouve la production noise-rock, ces dernières années, assez impressionnante. Et avec un peu de prétention, je pense pouvoir te dire que le noise-rock bien charpenté en 2016, c’était ce qui suit.
Årabrot – The Gospel
Ces norvégiens me font penser à Young Widows, puisqu’au milieu de titres noise-rock bien charpentés ils virent quand même beaucoup au post-punk arty, voire gothique. Protéiformes et esthètes donc, à vraiment pas rater.
Arbor Labor Union – I Hear You
Là on tire plus vers l’indie-post-punk, et parfois ça se traîne un peu, mais le disque vaut pour une poignée de titres excellents.
Auxiliary Mammals – Auxiliary Mammals
Des titres courts, gueulards et aux structures bien cramées. Ça vient de Baltimore, et c’est excellent.
Baklavaa – Dane On
Là ça vire pas mal au punk/hxc, c’est brouillon mais ça reste super efficace. Gros défouloir.
Bardus – Stella Porta
Noise-rock super lourd, école Sofy Major (normal, ils sont sur Solar Flare Records, le label du guitariste-chanteur des clermontois). Un peu dramatique, super accrocheur.
Calva – Siamois
Chronique
Cinemechanica – Cinemechanica
Noise-rock belliqueux, franchement excellent. Ne ferme pas cet onglet avant d’avoir écouté ce truc, OK?
E – EChronique
Fake Limbs – Matronly
Encore un truc aussi punk que noise, simple mais super bien branlé.
Faking – Goddamn Cowards
Noise-rock à la fois brutal, hyper rythmique et catchy, qui évoque les patrons d’Atlanta, mes chéris mes amours : les Hawks. Coup de coeur indeed.
Future of the Left – The Peace & Truce Of
Chronique
Helms Alee – Stillicide
Celui-là, si on ne l’a pas chroniqué, c’est surtout qu’il est moins bon que les précédents. Mais comme c’est Helms Alee, ça reste de la came de qualité supérieure et, surtout, leur positionnement à cheval entre noise-rock chiadé, sludge/hardcore bien hargneux et indie-rock féminin façon Breeders les rend extrêmement précieux en ces temps de poussées d’extrémisme et d’hyper-spécialisation. Helms Alee peut plaire aux bourrins comme aux esthètes, et ça, c’est un vrai plus, tu vois, de connecter les gens, un peu. Même si, bien sûr, la majorité des esthètes vont les trouver ploucs et les bourrins les trouver trop compliqués.
Kal Marks – Life is Alright, Everybody Dies
Superbe sortie de chez Exploding In Sound. Album magnifique, des compos riches et une sensibilité mélodique rare. Le fait qu’on en parle pas plus est une énième preuve de la préoccupante carence en goût de mes semblables – les Hommes.
MoE – Examination of the Eye of a Horse
Grosse artillerie en provenance de Norvège. C’est habité, voire dérangé, c’est lourd mais on sent que le spectre du groupe est large, travaillant à la fois sur la puissance, la dissonance et les contrastes tout en conservant une énergie punk. Un disque captivant, vraiment à découvrir.
Palehorse – Looking Wet In Public
Là c’est très distordu, noyé dans un nuage de shoegaze et de destruction, et c’est superbement composé. Un des meilleurs albums de l’année, clairement.
Papier Tigre – The Screw
Chronique
REMOTE – Resilient
Encore du français, là ça vire franchement au hardcore. Album d’une qualité franchement bluffante. Ils évoquent finalement pas mal Converge, et tout ça vient de Paris en se permettant d’exploser tranquillou plein de groupes US.
The Powder Room – Lucky
Noise-rock plutôt clean (presque trop) et catchy. Très agréable et accessible.
Ukandanz – Awo
Noise-rock trempé dans le jazz et le chant éthiopien, ça surprend mais ça l’effectue du début à la fin. Grosse réussite de chez Dur et Doux.
Vincas – Deep in The Well
Là on tire vers le swamp-rock et le post-punk bien crasseux, c’est pas fin ni original mais ça fait de l’effet quand même.
Virus – Memento Collider
Encore un post-punk qui tire vers le noise-rock, ou l’inverse. Pour le coup c’est assez complexe, avec des riffs fins et bien chiadés, ça s’appréhende pas forcément en une écoute même si y’a un super tube au milieu de titres assez longs et tortueux. Chant particulièrement charismatique. Superbe album.
Whores. – Gold
Worse – Rubber Burner
Noise-rock canal historique, plus distordu que la distorsion, gueulard et frontal. Zéro originalité, pour grosse réussite.
Wrong – Wrong
Chronique
Zëro – San Francisco
Encore un super disque pour ces ex-Bastärd. Ils ont perdu un membre mais on s’en rend pas vraiment compte. Une valeur sure, pas vraiment noise d’ailleurs – ça tape joyeusement dans le kraut, le shoegaze et la pop – mais on s’en fout, on a dit qu’on chipotait pas.